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Cet article de Charles de Laubier a été publié dans le numéro 88 - Lundi 12 novembre 2001 - de La Lettre des Télécommunications (une publication des sectorielles du Groupe Les Echos). Tout droits réservés.

Fixe, mobile, Internet et câbles sous-marins : l'Afrique se met en quatre

Par Charles de Laubier
publié dans La lettre des télécommunications, 12 novembre 2001, n°88, p.7-8

Proportionnellement au salaire moyen des Africains, le simple téléphone reste encore un luxe et les tarifs des communications sont parmi les plus élevés au monde. Avec la montée en charge des mobiles et de l'Internet, l'accès universel devient urgent.

Fixe
Cette année, le nombre de lignes téléphoniques principales - sur les réseaux « fixe » - dépasse pour la première fois la barre des 20 millions. Ce chiffre modeste, qui représente cependant le double d'il y a dix ans (1) malgré un accroissement de la population de 25 %, traduit à lui seul le potentiel de croissance considérable qu'offre le continent africain dans son ensemble. Avec un taux de pénétration du téléphone correspondant à 2,5 % de la population africaine - soit à peine un sixième de la moyenne mondiale -, la marge de manoeuvre est encore très grande (2). « Au début 2001, alors que l'Afrique abrite 1 habitant de la planète sur 8, 1 abonné au téléphone fixe sur 50 est africain, de même qu'1 abonné au téléphone mobile sur 60, 1 utilisateur d'ordinateur personnel sur 70 et seulement 1 utilisateur de l'Internet sur 80 », estime l'UIT. Les accès communautaires ou au partage collectif des installations restent un facteur clé de succès pour le développement du téléphone et l'accès à l'Internet, comme le démontre le succès des « télécentres », au Sénégal, où l'on en compte 10.000. Ces télécentres ont tellement familiarisé les populations à l'usage du téléphone que les demandes d'installations de lignes sont de plus en plus nombreuses. Malheureusement, elles sont encore loin d'être satisfaites, faute d'infrastructures.

La fin des subventions croisées ?
En Afrique, les tarifs sont de plus en plus sous contrôle du régulateur de chaque pays, si ce n'est sous celui du gouvernement national lui-même. La facture téléphonique est en général « accessible » pour les appels locaux mais particulièrement élevée pour le longue distance et l'international. La pression des autorités africaines sur les tarifs des communications de base est telle que les opérateurs sont souvent contraints de les fixer en dessous de leur prix coûtant. « Les subventions croisées sont courantes, les services à valeur ajoutée compensant les services de base, les appels longue distance compensant les appels locaux et finançant l'accès universel. Ce système dichotomique n'est pas viable à long terme pour les opérateurs rendus vulnérables, en particulier pour les opérateurs historiques éprouvant des difficultés à faire face aux concurrents. Les opérateurs historiques doivent désormais renoncer progressivement à ces mécanismes de subventions croisées pour retrouver un équilibre tarifaire, mais les hausses de leurs prix sont très contrôlées par les autorités selon la méthode de "price caps" », explique une récente étude de Pyramid Research (3). Pour la voix, le satellite reste prohibitif pour la plupart des Africains. Même si Globalstar est distribué et tente de faire une percée dans une dizaine de pays d'Afrique, dont six - l'Algérie, le Maroc, l'Egypte, le Maroc, le Sénégal et la Côte d'Ivoire - sont directement distribués par Tesam, la société commerciale créée par France Télécom, et l'actionnaire de Globalstar, Alcatel.

Mobile
Dans dix pays d'Afrique, à savoir le Botswana, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Maroc, l'Ouganda, le Rwanda, le Sénégal, les Seychelles, la République sud-africaine et la Tanzanie, le nombre des abonnés « mobile » dépasse désormais celui des « fixe ». Cette tendance va se généraliser sur la majeure partie du continent. En 2001, ils sont 11 millions sur le continent à utiliser un téléphone portable. Par rapport à il y a dix ans, c'est 500 fois plus !
L'Afrique a adopté dans son ensemble le GSM, même si quelques réseaux analogiques TACS sont encore opérationnels, comme au Ghana, sur l'île Maurice ou en Tanzanie.
Le Sénégal a montré l'exemple à d'autres pays africains en lançant, dès 1998, le principe du pré-paiement mobile, qui remporte un succès déterminant : le public, de plus en plus large, maîtrise au mieux sa consommation, tandis que l'opérateur mobile n'a pas à faire de recouvrements de factures. Cet engouement africain pour le prépayé serait, selon l'UIT, « l'une des meilleures possibilités d'atteindre l'objectif de l'accès universel » en Afrique.
La montée en charge de la téléphonie est telle que les opérateurs mobile en Afrique pourraient se retrouver à acheminer rapidement la moitié du trafic voix.

Internet
Les pays les plus riches du continent africain - la République sud-africaine, l'île Maurice ou les Seychelles - affichent un taux de pénétration de l'Internet allant de 1,8 % à 7,4 %. Pour les plus pauvres - le Burundi, le Tchad, le Niger ou encore le Soudan -, ce taux ne dépasse pas 0,02 à 0,03 % de la population (4). L'augmentation du nombre d'internautes en Afrique dépend étroitement des investissements en infrastructures télécoms. « Les principaux obstacles à une expansion plus rapide restent le manque d'infrastructures et les prix prohibitifs de ce service, qui, à environ 50 dollars (5), représentent plus d'un mois de salaire moyen dans de nombreux pays d'Afrique », déplore l'UIT. L'Erythrée fut le dernier pays d'Afrique à se raccorder - en mars 2000 - au backbone mondial de l'Internet.
D'autres pays, comme l'Ouganda, se sont raccordés plus tôt à l'Internet via des liaisons satellites VSAT (6), seul moyen pour les rares fournisseurs d'accès de pallier l'absence de backbone de fibre optique dans leur région. Plus généralement, les transmissions de données par satellite sont assurées par des opérateurs tels qu'Intelsat, New Skies Satellites, Afripa Telecom (également opérateur mobile en Centrafrique et au Congo), Carrier to Carrier Telecom, France Télécom (Globcast, Stella, Tesam), GT&T Belgium ou encore Investcom, d'origine libanaise.
La téléphonie sur Internet, elle, prend un relief particulier dans un pays où les consommateurs recherchent plus que partout ailleurs le moindre prix. Des opérateurs de trafic de « voix sur IP », comme l'américain ITXC ou le britannique Vectone, ont déjà passé des accords avec des opérateurs d'Afrique (Telkom en République sud-africaine, PTC au Zimbabwe, Ghana Telecom...).

Câbles sous-marins
De l'océan Atlantique à l'océan Indien, les côtes africaines attirent de longue date des projets de câbles sous-marins (7) qui, malgré une demande de plus en plus forte en bande passante, vont aboutir dans l'immédiat à une surcapacité. Cette surabondance de l'offre devrait cependant permettre aux pays - en bord de mer principalement - de se raccorder à moindre coût à l'international.
Actuellement, la République sud-africaine, l'Egypte et le Maroc sont les plus gros consommateurs de bande passante, que leur fournissent des câbles sous-marins tels que SAT-2 (République sud-africaine, île Maurice), Flag Europe Asia, Seamewe ou Columbus 3 (Egypte, Maroc, Tunisie, Algérie). Le Sénégal, lui, a accès à Atlantic 2, tandis que le Kenya, la Tanzanie et le Zimbabwe privilégient, eux, l'accès par satellite.
Mais cela ne suffira pas si l'on en croit les promoteurs de deux grands projets de câbles sous-marins, SAT-3 et Africa One. Le premier, SAT-3, sera mis en service avant la fin de l'année. France Télécom et le sud-africain Telkom en sont les initiateurs (AT&T, BT, Cable & Wireless, Marconi, Teleglobe/ BCE et Telefonica en seront aussi les utilisateurs). Dans le Sud, un autre câble sous-marin, baptisé SAFE (8), dans lequel l'on retrouve Telekom Malaysia, Telkom, de la République sud-africaine, Mauritius Telecom, France Télécom et Cable & Wireless, intégrera SAT-3. Lequel reste cependant modeste - avec ses neuf points d'ancrage sur les côtes ouest et sud de l'Afrique et un investissement de quelque 250 millions de dollars - comparé au second projet concurrent. Africa One est en effet LE projet dédié au Continent noir. Coût : plus de 1,5 milliard de dollars. Points d'ancrage : entre vingt et trente sur tout le pourtour, du nord au sud, d'est en ouest ! L'initiative revient à AT&T mais sa mise en service, si le financement suit, n'aura pas lieu avant 2003. Reste la question d'un backbone transafricain qui pourrait traverser le continent du nord au sud, à l'intérieur des terres cette fois. Eskom, l'électricien sud-africain déjà actionnaire de l'opérateur panafricain Econet Eskom, y a songé un temps.


Notes :

(1) - En 1991, l'Afrique comptait 9,2 millions de lignes téléphoniques principales pour une « télédensité » d'environ 1,45 %. Retour
(2) - Selon l'UIT, la « télédensité » de 28 pays africains reste encore en deçà de 1 %. Retour
(3) - « A prospective study of trends in African telecommunications », rapport de Pyramid Research (division de The Economist Intelligent Unit), édité en mai 2001 avec le soutien de AMB (Africa Merchant Bank), GLN (Gide Loyrette Nouel) et FMO (Netherlands Development Finance Company). Retour
(4) - Internet est utilisé par 2 ou 3 utilisateurs de pays africains défavorisés sur 10.000 habitants. Retour
(5) - La moyenne mondiale de l'accès à Internet se situe entre 10 et 20 dollars. Retour
(6) - Very Small Aperture Terminal (VSAT). Retour
(7) - Voir La lettre des Télécommunications n° 25. Retour
(8) - South Africa Far East (SAFE). Retour

Tous droits réservés - Les Echos - La lettre des Télécommunications - 12/11/2001 - N° 88

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