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Cet article de Mamadou Diallo et Charles Laubier a été publié dans le numéro 88 - Lundi 12 novembre 2001 - de La Lettre des Télécommunications (une publication des sectorielles du Groupe Les Echos). Publié avec l'aimable autorisation de l'auteur. Tout droits réservés.

L'ÉVÉNEMENT

SPÉCIAL « AFRIQUE »

La renaissance de l'Afrique passe par les télécoms

Bien moins de 1 % des 790 millions d'Africains ont accès à Internet, à peine 2 % sont abonnés au téléphone mobile, et seulement 2,5 % ont un téléphone fixe. Mais la libéralisation des télécoms est en marche sur l'ensemble du Continent noir. Les investisseurs historiques, partenaires des anciens monopoles publics nationaux, pour certains depuis l'époque coloniale, voient émerger une vive concurrence par les réseaux mobile. De nouveaux opérateurs, panafricains ceux-là, appréhendent désormais l'Afrique dans sa globalité. L'entrée des 56 pays africains dans la Société mondiale de l'information n'est plus une utopie.

Telecom Africa 2001 est la cinquième et sans doute la plus décisive des manifestations jamais organisées sur le continent africain. Par- delà l'émergence de l'un des plus vastes marchés des télécoms au monde, c'est tout le développement industriel, social et culturel de 56 pays africains (1) qui est en jeu dans cette méga-exposition organisée par l'Union internationale des télécommunications (UIT). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la première manifestation de l'UIT du nouveau millénaire est organisée en Afrique (2). De cet événement, qui, au moment où nous publions ce numéro spécial, se déroule à Johannesburg et durant une semaine, dépend l'entrée de l'Afrique dans la Société internationale de l'information et dans la mondialisation de l'économie. De cette renaissance africaine dépendra l'épanouissement de 790 millions d'habitants, soit pas moins de 13 % de la population mondiale.

Un potentiel énorme, encore sous-estimé
A l'instar de la Chine (3), l'Afrique présente pour les investisseurs locaux et internationaux un potentiel énorme de croissance qu'engendrent une libéralisation des marchés télécoms bien engagée, une privatisation des opérateurs nationaux bien comprise et une généralisation des licences de téléphonie mobile très convoitée. Malgré certains pays africains en proie à des troubles ou à la guerre, le Continent noir présente des atouts encore sous-estimés dans un contexte historique de « déréglementation » du secteur des nouvelles technologies de communication. Tout reste à faire. L'héritage du colonialisme reste dérisoire face aux immenses besoins en infrastructures télécoms. Le « Berceau de l'humanité » vaut bien cette renaissance-là.
Les Africains, loin d'être fatalistes face aux inégalités Nord-Sud, voient dans les télécoms un moyen sans précédent et inespéré d'entamer une profonde mutation dans leurs pays. S'il y a un droit que le peuple africain peut revendiquer haut et fort auprès des autorités chargées de la libéralisation des télécoms, c'est bien le service universel. Même si, sur le Continent noir, l'accès universel à la téléphonie est encore loin d'être une réalité, il n'en est pas pour autant une utopie. C'est même une exigence à laquelle les pays les plus industrialisés se devraient de contribuer, pour éviter une nouvelle fracture - numérique celle-là. Les nouvelles autorités de régulation africaines (gouvernements et/ou régulateurs) ont compris que la libéralisation des télécoms engagée sur le continent était l'occasion ou jamais d'imposer aux futurs concurrents des obligations de déploiement (en général, quelques centaines de milliers de lignes sur des périodes de trois à dix ans selon les cas).
La République sud-africaine est le pays d'Afrique le plus communicant si l'on regarde le trafic voix sortant, mais cette primauté revient à l'Egypte lorsqu'il s'agit de trafic voix entrant. Dans les deux cas, ils sont suivis du Maroc, de l'Algérie, du Nigeria et de la Tunisie. L'on retrouve ce même peloton de tête pour le trafic Internet.

Trafic voix : déséquilibre entrant/sortant
La montée en charge du trafic téléphonique, de la téléphonie mobile et de l'Internet (voir notre article p. 7 et 8) s'accompagne d'un besoin accru en bande passante pour assurer le trafic intercontinental entrant et sortant mais aussi pour acheminer les communications voix et données à l'international. Selon une étude de Pyramid Research (4), le trafic annuel des communications voix de toute l'Afrique franchira en 2005 la barre des 4,5 milliards de minutes pour le trafic sortant, et 12,2 milliards de minutes pour le trafic entrant (contre environ moitié moins en 2000). Le déséquilibre entre les appels entrants et les appels sortants est manifeste. En bande passante Internet, l'Afrique totalisera au cours de l'année 2005 un besoin de 5,6 millions de Kbits (soit 5,6 Gbits), contre seulement 0,6 million de Kbits en 2000.
Depuis une dizaine d'années, l'Afrique est engagée dans un processus de déréglementation du secteur des télécoms et de privatisation des opérateurs nationaux. Quelque 69 pays (5) - dont la Côte d'Ivoire, le Ghana, l'île Maurice, le Maroc, le Sénégal, la République sud-africaine et la Tunisie - se sont même engagés en février 1997 auprès de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) à ouvrir leur marché des télécoms à la concurrence et à prendre des engagements portant sur au moins un sous-secteur des télécommunications (6). L'Europe et l'ensemble des pays développés avaient jusqu'à février 1998 pour respecter leur signature du Protocole sur les services de télécommunications de base annexé à l'Accord général sur le commerce des services (GATS), les pays les moins développés ayant plus de temps pour l'appliquer.

Une autorité de régulation dans 33 pays
Signataires ou non de cet accord historique, les Etats africains sont de plus en plus nombreux à non seulement se désengager en partie ou en totalité de l'opérateur historique mais aussi à créer une autorité de régulation indépendante. Cela se fait en ordre dispersé, certes, mais de façon déterminée : le Maroc a adopté une loi sur les télécoms dès 1997 (7), tandis que l'Algérie a attendu début 2001 pour promulguer la sienne (8).
Au début 2001, selon l'UIT, ils étaient 18 pays à avoir privatisé totalement ou partiellement leur opérateur historique. Le Cameroun, le Kenya, la Tanzanie, le Bénin, le Burkina Faso, le Tchad, le Gabon et la Zambie se sont, eux, engagés à privatiser progressivement dès cette année. A partir de 2002 suivront l'Angola, le Zimbabwe, le Botswana, le Mali, le Mozambique, la Namibie et le Niger.

Naissance d'une association de régulateurs
Mais la privatisation de l'opérateur historique ne s'accompagne pas forcément d'une libéralisation du marché « fixe », comme le démontre le Cameroun, qui ne prévoit l'ouverture à la concurrence qu'en 2005 ! Toujours selon l'UIT, 33 pays d'Afrique ont instauré une autorité de régulation indépendante ; 9 ont opté pour une fusion de type « ART/CSA ». La Banque mondiale s'était engagée à financer la prise en charge d'instances de régulation dans les télécoms mais, devant le manque d'ingénieurs et de cadres spécialisés, l'instance onusienne a privilégié la mise en place d'agences multisectorielles régulant aussi bien l'eau, l'électricité que le téléphone (voir encadré ci-dessous). L'UIT a très vite compris qu'une dimension régionale des organismes de régulation permettrait de résoudre certaines carences d'ordre technique mais aussi une prise de conscience collective des avantages de la libéralisation des télécommunications sur l'ensemble du continent. L'instance internationale de Genève a lancé en octobre dernier la première association des régulateurs télécoms africains, ou ATRN (9), qui, basée au Maroc, à Rabat, favorisera les échanges entre autorités nationales (notamment sur les règles d'interconnexion et la gestion des fréquences) et préparera leur première rencontre annuelle, fin 2002, au Burkina Faso. Des initiatives plus régionales, comme l'Association des régulateurs d'Afrique de l'Ouest (10), confirmaient déjà la globalisation des télécoms en Afrique.

Déploiement des opérateurs panafricains
Les recettes issues des redevances sur les licences et les fréquences de téléphonie mobile prélevées par les différents Etats africains est une opportunité sans précédent pour ces pays de non seulement remettre à niveau les autres infrastructures, devenues obsolètes - et susceptibles à terme de donner accès à l'Internet -, mais aussi d'étendre la couverture des services télécoms à des régions africaines sous-équipées.
Plus que jamais, les investisseurs étrangers voient à travers toute l'Afrique des opportunités d'investissement à saisir, même si de grands opérateurs mondiaux brillent par leur absence (AT&T, Deutsche Telekom, British Telecom ou encore Telecom Italia). A tel point que de nombreux opérateurs appréhendent plus que jamais le continent dans toute sa dimension. Etre opérateur panafricain permet de générer des économies d'échelle, d'atteindre un retour sur investissement et de mutualiser les risques plus sûrement que sur chaque pays pris isolément. Une autre étude de Pyramid Research, réalisée cette fois avec l'Africa Merchant Bank et le cabinet Gide Loyrette Nouel, distingue trois types d'opérateurs panafricains : les « acteurs naturels », les « entrepreneurs » et les « expansionnistes ».

France Télécom, héritage colonial
- France Télécom, Portugal Telecom, Telia et Telekom Malaysia (11) sont considérés comme des « acteurs naturels » qui ont tissé des liens historiques avec un ou plusieurs pays du Continent noir. Ces investissements, qui remontent parfois à l'époque coloniale, sont le résultat d'une coopération avec le gouvernement local en place ou avec l'opérateur historique. Leur connaissance du pays et leur expérience de longue date sur un marché leur donnent un avantage sur la concurrence, même si l'Afrique ne représente qu'une part encore modeste mais non négligeable de leur chiffre d'affaires global. France Télécom est sans doute le champion toutes catégories à avoir hérité du passé colonial, même si les recettes provenant des communications africaines génèrent moins de 3 % de son chiffre d'affaires. Les appels internationaux provenant des différents pays africains où l'on parle le français (12) continuent encore d'être acheminés par l'ancien monopole public français. Le français se trouve, indirectement à travers ses participations, en situation de quasi-monopole dans huit pays africains.
C'est la branche la plus internationale de France Télécom, France Câble & Radio (FCR), qui a acquis au fil des années des participations dans le capital de nombreux opérateurs africains et qui a apporté aux « PTT » locaux l'expertise télécoms française (notamment dans les anciennes colonies françaises de l'ouest et du centre de l'Afrique).

Portugal Telecom avec Telefonica
Le Planisphère 2002 des télécoms, que nous publions avec l'Idate (13), montre que France Télécom détient une dizaine de participations significatives en Afrique : aussi bien dans des opérateurs « fixe » (CI-Telcom en Côte d'Ivoire, Sonatel au Sénégal, Getesa en Guinée Equatoriale, Telma à Madagascar...) que dans des « mobile » (Vista au Botswana, SCM au Cameroun, Mobinil en Egypte, Safaricom au Kenya...). « Avec l'acquisition, fin 2000, de 40 % du capital de Mauritius Telecom, l'opérateur de l'île Maurice [Maurice étant l'un des 56 pays d'Afrique] pourrait devenir un véhicule alternatif pour l'expansion africaine de France Télécom », indique Pyramid Research. Prochaine acquisition : Sonitel, l'opérateur du Niger en cours de privatisation ? Toutes les participations « mobile » de France Télécom en Afrique, y compris celle de Telsea, sur l'île Maurice, ont été regroupées au sein de la nouvelle filiale Orange. Le français est également promoteur, avec son homologue historique Telkom de la République sud-africaine, du projet de câble sous-marin SAT-3, dont la mise en service sur toute la côte ouest et sud de l'Afrique est prévue ces prochaines semaines (voir article p. 8). Portugal Telecom est, lui aussi, présent dans une dizaine de pays africains qui génèrent 6,4 % de son chiffre d'affaires. A l'instar de son homologue espagnol et partenaire à l'international, Telefonica, Portugal Telecom vise les marchés hispanophones et lusophones d'Afrique (14) comme en témoignent ses participations dans les opérateurs historiques CST à São Tomé, CTGB en Guiné-Bissau ou encore CVT au Cap-Vert, sans parler de deux opérateurs mobile (Medi Telecom au Maroc et Mascom au Botswana). Comme pour France Télécom, l'héritage du passé colonial de l'opérateur historique portugais y est pour beaucoup. Si cela lui donne une longueur d'avance, cela n'empêche pas les obstacles pour obtenir d'autres licences ailleurs. De par des jalons posés en Angola et au Mozambique (via des sociétés de services de transmission de données), le portugais est en pole position pour les prochaines privatisations de respectivement Telecom Angola et TDM, tout en regardant du côté de l'Algérie. Avec Telefonica, il vient récemment de remporter la deuxième licence mobile de Tunisie.

Orascom, MSI et Econet : tout pour l'Afrique
- Orascom Telecom, Mobile Systems International et Econet Wireless sont, quant à eux, considérés par Pyramid Research comme des « entrepreneurs ». Ce sont en général des entreprises d'origine africaine ou étrangère qui ont pour seule vocation de prospérer sur les marchés des télécoms en Afrique, dont le fort potentiel est la principale raison d'investir. La totalité de leur chiffre d'affaires est réalisée en Afrique. Ils constituent, pour certains d'entre eux, des cibles potentielles pour d'éventuels opérateurs étrangers en quête de globalisation. A moins d'être eux-mêmes à l'affût d'alliances internationales pour accompagner leur expansion panafricaine. Ces opérateurs panafricains ont une stratégie plus agressive que les autres investisseurs, n'hésitant pas à créer de nouveaux marchés, comme au Burkina Faso, au Tchad, au Congo, ou encore en Sierra Leone. Ils sont d'ailleurs considérés comme étant les pionniers de la téléphonie en Afrique. Econet Wireless est le portrait type de l'opérateur panafricain, qui investit aussi bien dans la téléphonie mobile, où il est le leader dans son pays d'origine, le Zimbabwe, que dans les réseaux « fixe », Internet et l'activité de « carrier » international. Pour ne pas être dépendant de ce pays encore instable, Econet Wireless a recherché rapidement une certaine pérennité sur le reste du continent.
L'expansion de sa branche internationale EWI, basée à Johannesburg, s'appuie notamment sur une joint-venture créée avec la compagnie d'électricité sud-africaine Eskom. Baptisée Econet Eskom, cette entité fut l'un des principaux candidats à la privatisation des opérateurs historiques du Kenya et du Cameroun, ainsi que l'un des membres d'un consortium acquéreur fin 2000 de l'opérateur historique Lesotho Telecom. L'opérateur du Zimbabwe investit aussi pour Internet dans des infrastructures et des passerelles internationales.

Orascom via Telecel : n° 1 mobile
Autre « entrepreneur » d'origine africaine : Orascom Telecom, l'un des rares opérateurs africains à être cotés en Bourse (au Caire et à Londres), est issu d'un conglomérat égyptien oeuvrant dans le commerce, le bâtiment et le tourisme. C'est en 1998 qu'Orascom se diversifie dans les télécoms en devenant opérateur mobile via sa participation dans Mobinil (ex-ECMS) et opérateur de cabines téléphoniques ou télécentres via Menatel (en partenariat avec France Télécom). En 2000, son entrée dans Telecel International à hauteur de 80 % en fait le plus important opérateur mobile par la couverture géographique. Présent dans une douzaine de pays africains (mais aussi au Moyen-Orient), Orascom Telecom fut le premier opérateur à lancer la téléphonie mobile dans l'ouest et le centre de l'Afrique. C'est le cas en Côte d'Ivoire (Loteny Telecom), au Zimbabwe (Telecel) et en Ouganda (Telecel). Telecel est également opérationnel au Bénin, au Burkina Faso, au Congo, à Madagascar, au Togo, au Zimbabwe et au Niger. De l'Egypte, au Caire, Orascom vise désormais d'autres marchés plus prometteurs, à commencer par l'Algérie, suivie du Kenya et de la Tunisie, où des opportunités de nouvelles licences se présentent.
Avec des capitaux plus internationaux, Mobile Systems International (MSI-Cellular) est un autre « entrepreneur » panafricain mais plus atypique. Détenu par des organisations internationales basées à Londres ou à Amsterdam (15), MSI-Cellular opère dans une douzaine de pays africains de manière encore disparate mais avec des ambitions. Ses nombreuses licences en font l'un des principaux opérateurs mobile en Afrique (Mirsfone en Egypte, Mobitel au Soudan, Celtel en Ouganda, au Burkina Faso, au Congo, au Gabon, au Niger, en Tanzanie...). Prêt à conquérir la République sud-africaine, le Kenya et le Nigeria, son objectif est aussi de déployer sur le continent un « réseau des réseaux » pour assurer le trafic international.

- Mobile Telephone Networks (MTN) et Millicom International Cellular (MIC) entrent, eux, dans la catégorie des « expansionnistes », toujours selon la classification de Pyramid Research. Ces nouveaux entrants en Afrique cherchent à diversifier leurs revenus à travers le Continent noir. La progression rapide de leur chiffre d'affaires est liée exclusivement au développement des marchés africains, qui, à long terme, devraient être rentables. MTN, qui est aujourd'hui le deuxième opérateur mobile de la République sud-africaine (derrière Vodacom alias Vodafone), était auparavant une filiale de Cable & Wireless avant d'être repris par des investisseurs africains. M-Cell (groupe Johnnic) est son plus gros actionnaire, dont la stratégie à long terme concerne aussi bien le mobile que le fixe (candidat à la seconde licence fixe sud-africaine). Pour pallier l'érosion de ses parts de marché sur son marché domestique sud-africain et faire des économies d'échelle, MTN développe des hubs régionaux dans l'ouest et le sud du continent et exporte des services prépayés. En deux ans, MTN a remporté cinq licences mobile (Swaziland, Rwanda, Ouganda, Cameroun et Nigeria). La prochaine privatisation de l'opérateur historique du Zimbabwe, ZPTC, pourrait être la cible suivante.

MIC lance le mobile prépayé
« Expansionniste » aussi, MIC - basé au Luxembourg et coté au Nasdaq - a vocation à investir dans des pays émergents, comme l'Amérique du Sud, l'ex-URSS et, depuis 1989, l'Afrique. Le plus important actionnaire de sa maison mère n'est autre que le groupe suédois Kinnevik, propriétaire du deuxième opérateur suédois, Tele 2 (16). A fin 2000, MIC est opérateur mobile au Ghana (Millicom), au Sénégal (Sentel), en Tanzanie (Mobitel) et à l'île Maurice (Emtel), tout en étant détenteur de licences en Sierra Leone et au Congo. C'est en 1999, au Sénégal, que MIC lance le premier opérateur mobile d'Afrique fonctionnant entièrement en mode prépayé. La concurrence a rapidement emboîté le pas. En revanche, MIC a pris du retard dans l'adoption du GSM, vers lequel il doit encore migrer. C'est le cas au Ghana, à l'île Maurice et en Tanzanie. Quant à d'autres investisseurs étrangers, tels que Vodafone et Vivendi Telecom international, ils sont de nouveaux venus en Afrique. Leur présence sur le continent se compte sur les doigts d'une seule main et ne génère encore qu'une part infinitésimale de leur chiffre d'affaires. Leur stratégie s'avère très retenue et semble privilégier un certain « écrémage » de marchés plutôt confortables, étendus géographiquement et à forte croissance.

Vivendi Telecom International à l'affût
Vodafone est ainsi présent pour l'instant en Egypte (Misrfone), au Kenya (Safaricom) et en République sud-africaine (Vodacom). C'est avec ce dernier opérateur mobile que le numéro un mondial de la téléphonie mobile est entré, en 1994, sur le continent africain par le sud. Vodacom, qui n'est pas contrôlé par Vodafone, est considéré comme le plus grand opérateur mobile d'Afrique (un tiers du trafic sud-africain et 10 % du trafic continental) et aurait les moyens financiers de se développer plus avant en Afrique. Pour l'heure, Vodacom est présent au Lesotho et en Tanzanie grâce à l'obtention de licences mobile. En 2000, déçu, Vodafone a quitté l'Ouganda en cédant sa participation dans Celtel à « l'entrepreneur » MSI-Cellular.
L'approche d'un autre nouveau venu, Vivendi Telecom International (VTI) (17), est plus sélective avec seulement deux participations dans Mirsfone/ClickGSM en Egypte et dans Kencell au Kenya. A noter que Vivendi et Vodafone se retrouvent ensemble en Egypte dans Mirsfone, le second opérateur mobile, mais sont concurrents au Kenya (18). En janvier 2001, cette fois, la filiale télécoms de Vivendi Universal en dehors de l'Hexagone est entrée dans un peu plus du tiers du capital de Maroc Telecom cédé, par l'Etat marocain, lequel prévoit de devenir minoritaire (nouvelle privatisation fin 2001). VTI a aussi, via Maroc Telecom, une participation indirecte dans l'opérateur privatisé de Mauritanie, Mauritel. Même si le français reste très cantonné au nord de l'Afrique, l'autre filiale de Vivendi Universal, l'ex-Générale des Eaux, pourrait attirer sa consoeur VTI, l'ex-CG Sat, à investir plus avant dans les pays francophones qu'elle dessert.

 

Charles de Laubier et Mamadou Diallo

(1) - L'Organisation de l'unité africaine (OUA), créée en 1963, est composée de 53 pays membres, y compris le Sahara occidental ou République arabe sahraouie démocratique (RASD). Le Maroc, qui ne reconnaît pas son indépendance, ne veut pas adhérer à l'OUA. Si l'on prend en compte les 53 pays de l'OUA, le Maroc, ainsi que les îles de la Réunion et Mayotte (respectivement département et territoire français), l'Afrique compte bien 56 « pays ». Retour
(2) - Telecom Africa 2001 est ainsi la 24e édition des manisfestations « Telecom » que l'UIT a lancées en 1971. Retour
(3) - Voir « Evénement » de La lettre des Télécommunications n° 63. Retour
(4) - « Africa's bandwidth glut », Pyramide Research, septembre 2001. Retour
(5) - Fin 2000, ils étaient au total 79 à s'être engagés devant l'OMC. Retour
(6) - Voir La lettre des Télécommunications n° 1 (datée du 24 novembre 1997...). Retour
(7) - Loi du 7 août 1997. Retour
(8) - Loi du 6 août 2001. Retour
(9) - African Telecommunications Regulators' Network (ATRN). Retour
(10) - WATRA regroupe les régulateurs des pays suivants : Bénin, Ghana, Mali, Nigeria et Sénégal. Une autre association, TRASA, regroupe les régulateurs d'Afrique australe. Retour
(11) - Le gouvernement malaysien, qui investit dans le sud de l'Afrique, est présent en Guinée, au Ghana et en République sud-africaine. Retour
(12) - Le français est officiel totalement ou partiellement dans 23 Etats. Retour
(13) - Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE). Retour
(14) - Le portugais est parlé dans 5 pays africains, l'espagnol dans 2 (les Canaries comprises). Retour
(15) - Commonwealth Development Corporation (CDC), International Finance Corporation (IFC) ou encore General Electric Capital (GEC). Retour
(16) - Millicom International Cellular détient aussi 12,73 % de Tele 2 (Tele 2 AB). Jan Stenbeck est d'ailleurs à la fois président de MIC et de Tele2 AB. Retour
(17) - Voir La lettre des Télécommunications n° 77 p. 3. Retour
(18) - En Europe, Vodafone est non seulement partenaire de Vivendi Universal (portail Vizzavi et roaming Eurocall) mais aussi actionnaire de sa filiale Cegetel (à hauteur de 15 %)... Retour

 


Encadré: Régulation en Afrique : vers la multisectorialité

Les télécommunications appartiennent, tout autant que la distribution de l'eau, la production et la distribution d'énergie et le secteur des transports, à ces activités considérées comme clés tant par les gouvernements que par les institutions de Bretton Woods (1), dans le cadre des politiques de réajustement structurel et de lutte contre la pauvreté dans les pays émergents. Les contraintes budgétaires des pays émergents plaident en particulier pour la réduction des coûts de structure. La mise en place d'autorités de régulation multisectorielles permet de ne pas dupliquer les frais liés aux services comptable, juridique, économique et administratif de chaque autorité de régulation. L'exemple donné par l'autorité de régulation multisectorielle du Niger ou de la Mauritanie (2) démontre la grande variété des schémas envisageables. D'autres pays suivent, comme la République centrafricaine ou le Nigeria, qui lancent actuellement leurs travaux de mise en place d'une autorité multisectorielle.

Service universel multisectoriel ?
La multisectorialité n'est cependant pas qu'une affaire de coûts. Il s'agit également d'optimiser une gestion concertée de l'ensemble des secteurs de réseaux dans le cadre d'une politique générale d'aménagement du territoire, de désenclavement des zones rurales et de lutte contre la pauvreté. En particulier, les sommes consacrées au service universel dans chacun des secteurs de l'économie concernés peuvent être très utilement utilisées dans le cadre de missions communes de déploiement de réseaux et de services, et réduire ainsi les coûts de gros oeuvre et de travaux publics nécessaires à l'extension d'infrastructures, qu'il s'agisse d'électricité, d'eau ou de télécommunications. Reste que la régulation multisectorielle peine à s'implanter, tant aux lourdeurs administratives s'ajoutent la nécessité d'une action coordonnée de l'ensemble des ministères concernés vers des abandons de souveraineté du pouvoir administratif et le respect de l'autorité d'une entité indépendante.

Rémy Fekete*
* Avocat à la cour, cabinet Gide Loyrette Nouel

(1) - Loi de 1985 portant exécution des accords relatifs au Fonds monétaire international, à la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, à l'Association internationale de développement, à la Société financière internationale et à la Convention portant création de l'Agence multilatérale de garantie des investissements. Retour
(2) - Notamment la Mauritanie, où l'autorité de régulation créée par la loi 99.019 du 11 juillet 1999 a été transformée en autorité mutlisectorielle par la loi 2001.18 du 25 janvier 2001. Retour

Tous droits réservés - Les Echos - La lettre des Télécommunications - 12/11/2001 - N° 88

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